Éthique et vaccination des ados: de la nécessité de la prudence
Réplique à Jean-François Cliche, du Soleil, publiée dans ce même journal
RÉPLIQUE / Le Soleil a fait paraître mercredi dernier un article de Jean-François Cliche qui critique non seulement un texte que nous avons publié ici mais aussi la couverture journalistique qui en a résulté dans le Journal de Québec disponible également sur le site du Journal de Montréal.
On nous a octroyé dans ce dernier média le titre de «scientifique» et M. Cliche s’est attardé à critiquer l’usage de ce terme dans le but évident de remettre en question notre crédibilité et conséquemment la pertinence de notre intervention dans le débat. S’il est clair que certains d’entre nous ne tiennent pas à l’étiquette de scientifique », on ne voit pas bien pourquoi M. Cliche se permet de juger nos propos à l’aune d’un titre qui nous a été octroyé par un média concurrent. On ne sait plus, en lisant M. Cliche, si sa critique vise Le Journal de Québec ou notre propre texte, et il en résulte une confusion problématique.
Indépendamment de nos compétences et connaissances dans le large éventail de sciences qui est ici en cause (on parle notamment d’épidémiologie, d’immunologie et de pharmacologie), il n’a pas échappé à M. Cliche que notre appel à la prudence se faisait l’écho de préoccupations similaires qui ont été mises de l’avant dans le British Medical Journal,par exemple. Nous l’avions souligné, mais M. Cliche en parle d’une façon bien trop brève, à notre avis.
Notre intervention comportait une réflexion éthique et une mise en garde semblable aussi à celle du Comité national d’éthique de France, lequel a critiqué la rapidité du processus et émis un avis mentionnant le faible recul sur la sécurité de ces nouveaux vaccins chez l'adolescent.
Il se trouve que, justement, depuis la publication de notre texte, les autorités de santé en Israël et aux États-Unis (CDC) ont confirmé l’existence d’un lien entre les myocardites et les injections de Pfizer qui ont entraîné l’hospitalisation de nombreux jeunes hommes et adolescents. La confirmation des inquiétudes que nous avons soulevées démontre bien qu’elles étaient légitimes, or M. Cliche a omis dans son article cette partie de notre argumentaire traitant des myocardites.
M. Cliche a suggéré que nous étions biaisés dans notre analyse et a laissé entendre par ailleurs que certains d’entre nous n’avions pas l’expertise nécessaire pour se prononcer sur un sujet aussi délicat, or en répondant de façon sélective à certains de nos arguments, il a présenté une analyse qui manque à notre avis de rigueur et qui témoigne d’un manque de respect des règles du débat public.
Le point central de notre texte était un appel à l’application du principe de précaution dans le contexte d’une absence d’urgence sanitaire. Il aurait été impératif d’attendre avant d’organiser une campagne de vaccination de masse des 12-17 ans car les bénéfices escomptés ne peuvent qu’être minimes dans ce groupe d’âge où les décès covidiens sont presque nuls et où les taux d’hospitalisation dus à la COVID sont minimes. En contrepartie il est bien clair que les risques d’effets indésirables des injections d’ARNm ne sont pas nuls. Quand on vaccine des bien-portants et notamment des enfants, il faut être doublement prudents, or au moment d’écrire ces lignes la pandémie est en chute libre au Québec.
À noter par ailleurs que notre but n’a jamais été de critiquer la campagne de vaccination qui a été menée au départ en visant les populations plus vulnérables.
M Cliche nous a accusés d’«exagérer les risques de la vaccination et d’en diminuer artificiellement les bénéfices ». Nous pensons qu’il aurait mieux fait de s’attarder à critiquer le contenu du feuillet d’information à la vaccination remis aux adolescents et aux jeunes adultes ; le risque de myocardite n’y apparaît pas à l’heure actuelle alors même que le CDC reconnaît l’existence de ces cas, même s’ils sont rares. On ne présente donc pas adéquatement les risques à la population ciblée et cela constitue une entorse au principe du consentement éclairé à un acte médical.
Nous réitérons donc notre appel à la prudence puisque, si les mauvaises surprises venaient à s’accumuler pour nos jeunes « altruistes », c’est la confiance dans les mécanismes d’approbation et de pharmacovigilance vaccinales qui serait mise à mal. Une telle perte de confiance ne nuirait-elle pas plus, à long terme, que le fait de suspendre ou retarder la campagne actuelle?
Isabelle Picard, mère de famille et biologiste
Richard Gendron, père et anthropologue
Perig Gouanvic, père et traducteur médical, rédacteur indépendant
Caroline Martin, mère et détentrice d’une maîtrise en santé communautaire
Pierre Biron, BA, MS, MD, professeur honoraire de pharmacologie médicale, Université de Montréal